Le roman qui lança l’empathie
Publié le 20 juillet 2016. Par La rédaction de Books.
James Sant, The Fairy Tale
La lecture de romans stimule l’empathie, conclut un bilan d’études sur l’influence de la littérature paru le 19 juillet dans la revue Trends in Cognitive Sciences. Est-ce une découverte ? Dans L’invention des droits de l’homme l’historienne Lynn Hunt rappelle le déferlement d’empathie suscité par Julie ou la Nouvelle Héloïse, le roman épistolaire de Jean-Jacques Rousseau. Paru en 1761, le livre est un immense succès (115 éditions en français seront publiées avant 1800). « Des courtisans, des membres du clergé, des militaires et toutes sortes de gens ordinaires écrivirent à Rousseau pour lui décrire leurs sentiments, ce « feu qui dévore », les nuits passées « d’émotions en émotions, de bouleversements en bouleversements » », écrit Hunt. L’empathie n’a certes pas attendu Rousseau pour se manifester, mais La Nouvelle Héloïse en élargit le cercle, soutient Hunt. Les lecteurs s’identifient à des personnages ordinaires, qu’il ne peuvent par définition pas connaître personnellement. « Grâce à la spécificité même de la forme narrative, ils éprouvent de l’empathie pour les divers protagonistes, en particulier pour l’héroïne et le héros, », note Hunt. La forme épistolaire, en leur donnant à lire et à comprendre le point de vue d’une personne, a été essentielle pour transmettre ce que Hunt désigne comme « rien moins qu’un nouveau comportement psychologique, jetant ainsi les bases d’un nouvel ordre social et politique ». L’historienne souligne la concomitance entre l’âge d’or des romans épistolaires, entre 1760 et 1780, et la naissance de la notion de droits de l’homme.
En savoir plus : Et Rousseau créa l’empathie, Books, avril 2013.