Charles Taylor : « Le pluralisme religieux est le fait marquant de la modernité »
Publié dans le magazine Books n° 17, novembre 2010. Par Sandrine Tolotti.
Au moment où la France interdit le port de la burqa, le grand philosophe canadien en appelle à une laïcité plus ouverte. Car il faut s’y faire : l’avènement de la raison n’a pas sonné le glas de la religion ; elle a diversifié la gamme des options qui s’offrent à l’individu.
Né en 1931, le Canadien Charles est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands philosophes anglo-saxons. Professeur émérite à l’université McGill, à Montréal, cet intellectuel de gauche, par ailleurs catholique pratiquant, né d’un père anglophone et d’une mère québécoise, est l’un des plus fervents défenseurs du multiculturalisme.
Le fait religieux est plus présent que jamais dans nos sociétés. Comment expliquez-vous cette prégnance de la religion dans une modernité que l’on disait désenchantée ?
Il y eut un immense malentendu. Dans le sillage de Nietzsche annonçant la mort de Dieu, de nombreux philosophes et intellectuels ont pensé que la modernité irait de pair avec la quasi-disparition de la religion, le reliquat de croyance se voyant confiné à la seule sphère privée. Tel fut longtemps le récit dominant. Or, force est de constater que la religion ne disparaît pas ; elle se transforme, comme elle l’a toujours fait.
Ceux qui pensaient la sécularisation en termes de déclin du religieux sont à la fois inquiets...