Publié dans le magazine Books n° 73, février 2016.
Le lecteur déambule dans le « plus beau livre photo de l’année 2015 » un peu comme dans un monastère bouddhiste. Il y trouve la même sensation de sérénité et d’enchantement, que le grand photographe japonais fait naître par son sens époustouflant de l’épure.
Un petit garçon qui fait du patin à roulettes le long d’un quai ouvert sur l’infini, un téléviseur cassé que lèchent les vagues, quatre enfants absorbés dans l’observation d’un nuage… Il y a souvent, dans les images de Shoji Ueda, la mer, le ciel, la lumière, et une forme d’énigme. Une étrangeté simple dont on ne saurait dire à quoi elle tient, mais dont il émane une étonnante sérénité. Est-ce parce que « les personnages, le plus souvent sans expression, participent à un rituel du bonheur d’être ensemble et de deviner le chant de la mer », comme l’écrit le poète Gil Pressnitzer ?
Quoi qu’il en soit, les photographies de Shoji Ueda paraissent saisir une réalité décalée, dans laquelle la solitude est enchantée et qui évoque irrésistiblement les monastères bouddhistes. L’expression « force contemplative » va comme un gant à ce photographe de l’épure et de la proximité à la fois. Car la « ligne subtile » qu’on lui attribue parfois (titre d’une exposition de la Maison européenne de la photographie) n’est pas l’expression d’une beauté graphique froide et distante....