Publié dans le magazine Books n° 5, mai 2009. Par Ekkehard Kraft.
Qui était vraiment Skanderbeg, pourquoi s’est-il converti à l’islam pour ensuite le combattre ? La première biographie savante du héros national albanais a provoqué un tollé. Dans les Balkans, chaque nuance pèse lourd.
Il est rare qu’un historien spécialiste du Moyen-Âge apparaisse sur le devant de la scène. C’est pourtant l’expérience que vient de vivre Oliver Jens Schmitt. Ce Bâlois, qui enseigne à l’université de Vienne, est un fin connaisseur des Balkans. En novembre dernier, paraissait en albanais sa biographie du héros national, Gjergj Kastrioti [George Castriota, en français], plus connu sous le nom de Skanderbeg.
Une biographie critique de ce personnage était attendue depuis longtemps. Ce fils d’un seigneur albanais du XVe siècle, pris en otage et élevé à la cour du sultan, s’était converti à l’islam et avait fait rapidement carrière dans les troupes de l’empire (1). Mais, en 1443, il changea une nouvelle fois de camp, se reconvertit au christianisme et combattit pendant un quart de siècle les Ottomans. À la fin du XIXe siècle, le mouvement national albanais en fit un véritable mythe, dont le culte fut entretenu au plus haut point par le régime communiste d’Enver Hoxha, après la Seconde Guerre mondiale.
Via l’école obligatoire, la légende s’enracina profondément dans la conscience nationale. Les esprits...