Publié dans le magazine Books n° 43, mai 2013. Par Hugh Eakin.
On imagine les Saoudiens asservis à une bande de gérontes rétrogrades et corrompus. On se trompe. À grand renfort de pétrodollars et moyennant de petits arrangements avec le rigorisme, la famille royale a su faire accepter le projet de modernisation conservatrice qui fonde son pouvoir. Mais ce pacte résistera-t-il à la montée des problèmes sociaux dans un pays jeune, instruit, dont la colère éclate sur Internet ?
Le 25 septembre 2011, le vieillissant roi Abdallah prononçait devant le Majlis al-Choura, le conseil consultatif du royaume saoudien, un discours marquant. À partir de 2013, a-t-il alors déclaré, les femmes auront le droit de siéger parmi les 150 membres de l’institution (1) ; et à partir de 2015, elles auront aussi celui de voter et de se présenter aux élections municipales.
Aux yeux de la plupart des observateurs étrangers, ces aménagements ne méritaient guère l’attention. 2011, c’était l’année où des révoltes populaires renversaient les autocrates dans l’ensemble du Moyen-Orient ; même des monarchies comme le Maroc et la Jordanie réformaient leur Constitution pour afficher leur volonté de rendre davantage de comptes. Le roi Abdallah, lui, ne concédait aucun pouvoir nouveau au Majlis al-Choura, institution non élue dotée d’une simple autorité consultative, et les Saoudiens n’avaient jamais porté un immense intérêt aux conseils municipaux, organes à caractère essentiellement symbolique dont seule la moitié des membres sont élus. Et puis, ces innovations, aussi modestes fussent-elles, ne seraient pas mises en œuvre immédiatement : tenues quelques jours après le discours, les municipales de 2011 furent, comme par le passé, uniquement ouvertes...