Le nouveau journalisme arabe
Publié en août 2011. Par Nonfiction.fr.
Dans un ouvrage éclairant, l'ancien journaliste et chercheur Lauwrence Pintak se penche sur la sociologie d'un secteur en pleine mutation.
Être journaliste ne signifie pas la même chose à Paris qu’à Damas, à Washington qu’à Beyrouth, à Rome qu’à Doha. De nombreuses caractéristiques, que l’on ne retrouve ni en Europe ni en Amérique du Nord, sont spécifiques au monde arabe, ce qui rend toute approche scientifique ethnocentriste altérée et donc, de fait, non pertinente. Sur ce point, nous pouvons bien évidemment citer la censure, qu’elle soit flagrante ou plus latente, et les sanctions qui en découlent, tant économiques, qu’administratives ou physiques. Mais d’autres éléments doivent également être pris en compte, comme le manque criant de formations spécialisées, la faiblesse, si ce n’est l’inexistence de syndicats professionnels nationaux ou régionaux, sans oublier, bien sûr, les facteurs historiques, religieux et culturels. Tant de caractéristiques régionales qui permettent voire obligent à différencier le journalisme arabe de celui pratiqué en Europe, en Amérique Latine ou encore en Asie.
Avec son dernier ouvrage, The New Arab Journalist: Mission and Identity in a Time of Turmoil, Lawrence Pintak, ancien journaliste et actuel doyen du département de Communication de l’université de Washington, tente de pallier les faiblesses de la littérature scientifique. Certains pourront lui reprocher sa volonté de voir le journaliste arabe comme un « tout », connaissant les mêmes déconvenues à Bagdad qu’à Téhéran, possédant les même désirs et la même soif de changements au Liban qu’en Arabie saoudite. D’autres encore pourront dénoncer l’usage de « panels » qui ne représentent véritablement que ceux qui en font partie (la distinction journalistes de radio, de télévision ou de presse écrite est-elle véritablement représentative ? Les personnes rencontrées sont-elles elles même représentatives des différents courants politiques présents au sein des médias ou plutôt des connaissances personnelles de l’auteur ? etc.). Si ces critiques sont pertinentes, il n’en reste pas moins que son travail permet, grâce aux nombreuses données recueillies sur le terrain et à une contextualisation historico-culturelle conséquente, de mieux cerner les disparités existantes ainsi que de démonter certains préjugés tenaces. Et c’est pourquoi il est intéressant de s’y attarder quelque peu.
Théo Corbucci