Publié dans le magazine Books n° 26, octobre 2011. Par Dinah Birch.
Charles Dickens, maître du conte moral, pourfendeur des injustices de l’Angleterre victorienne, se comportait chez lui en tyran. Ambivalent à l’égard des femmes, il fit vivre à son épouse Catherine un enfer, avant de la tromper, de la bannir et de la priver de ses enfants. Son œuvre y gagna en épaisseur.
« Mon père était un homme cruel ; un homme très cruel, écrit Kate Perugini, la fille de Charles Dickens. Il ne comprenait pas les femmes. » Pourtant, on ne saurait faire de lui un simple phallocrate. À défaut d’indépendance, l’écrivain reconnaissait aux femmes le droit d’avoir des ambitions en dehors du foyer : il admirait sa sœur Fanny, musicienne ; les talents de comédienne de Nelly Ternan, dont il fit sa maîtresse, expliquent en partie son attirance pour elle ; et il travailla en étroite collaboration avec la romancière Elizabeth Gaskell, ou la philanthrope Angela Burdett-Coutts. La détresse des femmes sans défense et maltraitées le bouleversait, et il s’efforça activement (avec l’aide de Burdett-Coutts) de sortir les prostituées de leur misère. Il ne tolérait pas qu’une femme défie son autorité, mais il s’ennuyait auprès de celles qui se laissaient trop facilement dominer.
Ces conflits sont au cœur de l’œuvre de Dickens. Si sa pensée sur les deux sexes avait été moins embrouillée, il aurait été un écrivain très différent, moins passionnant. On n’est guère...