Publié dans le magazine Books n° 78, juillet-août 2016. Par Corinne Atlan.
Malgré la beauté des côtes japonaises, la mer est d’abord, dans la culture de l’Archipel, source de terreur.
« Ma grand-mère me racontait que, la nuit, d’innombrables mains dissimulées dans la mer attrapaient les enfants par les pieds et entraînaient vers le fond les imprudents qui ne se dépêchaient pas de sortir de l’eau dès la tombée du jour, écrit Keiichirô Hirano dans
Impressions du Japon. Aujourd’hui encore, un frisson me saisit chaque fois que je regarde la mer la nuit, et j’imagine ces mains innombrables tapies au fond des ténèbres. » Malgré la beauté et la diversité de ses innombrables côtes, la mer japonaise, avec son cortège de noyades, tsunamis, typhons et autres tempêtes, inspire avant tout la terreur. Le « balcon sur la mer » n’est jamais destiné à profiter de la vue : dérisoire mur protecteur, il s’élève très haut pour cacher le lieu d’où peut surgir la menace. Certes, la mer est aussi nourricière. Mais elle n’offre pas les mêmes consolations que la nature terrestre, également dangereuse mais marquée par les saisons, qui rythment le temps et peuvent être assimilées au cycle de la vie. L’élément marin, lui, ré...