Le journal en images
Publié dans le magazine Books n° 45, juillet-août 2013. Par Tzvetan Todorov.
Atteint de surdité à 46 ans, Francisco de Goya semble faire de ses dessins et eaux-fortes un outil de communication, avec les autres mais aussi avec lui-même.
Un événement décisif se produit dans la vie de Goya en 1792, alors qu’il est âgé de 46 ans : à la suite d’une grave maladie (dont nous ignorons la nature exacte), il devient complètement sourd. Cette infirmité transforme la nature même des images qu’il produit mais aussi l’usage qu’il en fait. On dirait que, à défaut de pouvoir communiquer avec ceux qui l’entourent, il commence à utiliser à cette fin ses dessins et gravures, qu’il accompagne de légendes assez particulières : plutôt que de désigner ce que montrent les images, elles semblent faire partie d’un dialogue imaginaire, où Goya s’adresse aux personnages qu’il dessine, avec des interpellations du genre : « Ne t’effraie pas », « Réveille-toi, innocent », « Bientôt tu seras libre » et ainsi de suite. Ces formules auraient pu se trouver dans des lettres qu’il leur aurait écrites.
D’autres images accompagnées de légendes se rapprochent davantage du journal intime, d’autant plus singulières que le peintre ne les montre à personne : les mots, ici, s’adressent à lui-même. On en trouve quelques exemples dans Les Désastres de la guerre, ensemble de quatre-vingt-deux eaux-fortes...
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