Publié dans le magazine Books n° 65, mai 2015. Par Books.
Avec sa monumentale chronique sociale en images de l’Allemagne de Weimar, le père de la photographie allemande a aussi posé les jalons d’un troublant portrait, à la fois individuel et collectif, de l’inconscient social d’une nation et, au-delà, d’une époque.
Certaines de ses photographies sont des icônes. À commencer par celle qui figure en couverture de ce livre, intitulée
Jeunes paysans. Une image si célèbre que le romancier Richard Powers lui a consacré un roman,
Trois fermiers s’en vont au bal. Car il y a dans ces jeunes paysans endimanchés qui partent danser, à l’été 1914, une « vision d’innocence qui dénote à présent la fin d’une époque », écrit Jackie Wullschlager dans le
Financial Times. Cette image dit tout de l’ambition qui sera celle d’August Sander, le père de la photographie allemande : se faire l’archiviste de son temps. Elle dit tout, aussi, de sa patte : « Je ne déteste rien plus que la photographie au sucre avec minauderies, poses et affectation », écrivait-il en 1927.
Ce sont donc 619 clichés sans fioritures que l’on trouve dans ce livre, véritable mémorial d’une œuvre tout entière dédiée au projet monumental conçu dès les années 1920 par Sander : consigner tous les « types » de la société allemande. « Comme un entomologiste, peut-on lire dans The Economist, Sander a saisi et catalogué...