Publié dans le magazine Books n° 48, novembre 2013. Par Rachel Dwyer.
Cet animal occupe une place de choix dans la littérature indienne classique. À la fois humain et divin, puissant et gracieux, il symbolise la puissance politique et militaire. Plus étonnant, il n’est pas non plus dénué de pouvoir érotique.
En Inde, la frontière est extrêmement poreuse entre les animaux, les êtres humains et les dieux. Les âmes, croit-on, sont capables de passer d’un état à l’autre au gré de leurs réincarnations ; les dieux peuvent prendre forme animale ou humaine, ou les deux à la fois, comme Vishnou avec ses dix avatars, ou bien Ganesh, dont le corps humanoïde est surmonté d’une tête d’éléphant. D’ailleurs, les pachydermes eux-mêmes ne sont pas cantonnés à une seule de ces trois catégories : en partie divins, ils semblent aussi très humains. Par le passé, plusieurs illustres spécimens furent considérés comme l’incarnation d’une divinité. Comme le vénérable Kesavan, haut de 3,20 mètres, qui resta attaché au temple de Guruvayur, dans le Kerala, jusqu’à sa mort en 1976. Devant l’édifice, une statue grandeur nature à son effigie monte la garde. Elle est couverte de guirlandes, et, chaque année, le jour anniversaire de la mort de l’animal, une procession d’éléphants défile devant elle. Dans les boutiques du temple, les photos de Kesavan se vendent comme des petits pains, et sa silhouette en carton, presque...