Publié dans le magazine Books n° 5, mai 2009. Par William Dalrymple.
« La stratégie de l’administration Bush a engendré en Asie centrale et du Sud une crise bien plus grave qu’elle ne l’était avant le 11-Septembre », écrit le journaliste pakistanais Ahmed Rashid. On ne peut que souscrire à ce point de vue, estime William Dalrymple. Mais ce que montre aussi ce brillant ouvrage, c’est l’immense responsabilité de l’armée pakistanaise, qui dirige de facto le pays. Depuis plus de vingt ans, son principal service de renseignement, l’ISI, soutient les djihadistes dans le but de dominer l’Afghanistan, à l’ouest, et de déstabiliser l’armée indienne en entretenant le conflit du Cachemire. Le 11-Septembre n’y a rien changé. Au nom de l’idée mythique que l’Inde est son principal ennemi, le Pakistan a financé, armé, entraîné les talibans. Un jeu qu’il risque de payer très cher.
Lahore, Pakistan. Le calme relatif qui règne en Irak ces derniers temps, conjugué au spectacle de l’élection présidentielle américaine, a détourné le monde du cataclysme en train d’emporter très rapidement les intérêts occidentaux dans une région qui n’aurait jamais dû cesser d’être au cœur de la riposte aux attentats du 11-Septembre : le fief dont jouissent al-Qaida et les talibans de part et d’autre de la frontière entre l’Afghanistan et le Pakistan.
Et sur ce front, la situation pourrait difficilement être pire. Les talibans se sont réorganisés, ont franchi leurs sanctuaires des zones frontalières et sont aujourd’hui aux portes de Kaboul, menaçant d’encercler et d’étrangler la capitale exactement comme les moudjahidin soutenus par les États-Unis l’avaient fait à la fin des années 1980 contre le régime prosoviétique. Comme dans un vieux film, les tanks, les véhicules blindés et les hélicoptères sont à nouveau les seuls à pouvoir s’aventurer hors de la capitale afghane. Les talibans contrôlent aujourd’hui 70 % du pays – contre un peu plus de 50 % en novembre 2007. Là, ils pré...