Le crépuscule de la lecture
Publié dans le magazine Books n° 7, juillet-août 2009. Par George Steiner.
Ni la littérature de gare ni la lecture de documentation ne sont menacées par les nouvelles technologies. Mais la vraie rencontre entre un être et un livre sera bientôt réservée à une petite élite d’érudits.
Il n’est pas nécessaire de citer toutes les preuves de l’état catastrophique de l’alphabétisme. Les chiffres du département de l’Éducation parlent d’eux-mêmes : 27 millions d’Américains ne savent pas lire du tout, et 35 millions d’autres ont un niveau plus qu’insuffisant pour se débrouiller dans notre société. Mais ce qui m’inquiète aujourd’hui, ce n’est pas tant ce problème accablant de l’alphabétisation élémentaire que celui du recul de l’aptitude à lire même parmi les membres de la classe moyenne – la réticence à s’offrir ces moments de silence, ces luxes que sont la vie en famille, le temps et la concentration, inséparables de la lecture au sens traditionnel. Près de 80 % des adolescents instruits, dit-on, ne peuvent plus lire sans bruit de fond musical ou sans que les images du petit écran ne dansent au coin de leur champ de vision. On sait très peu de choses sur le cortex et la manière dont il traite des flux simultanés et contradictoires, mais le bon sens commande de nous en inquiéter sérieusement. Ce viol de...
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