Publié dans le magazine Books n° 14, juillet-août 2010. Par Farhad Manjoo.
La musique mobilise les structures les plus profondes et les plus anciennes de notre cerveau. C’est un indice parmi d’autres du rôle qu’elle a joué dans le façonnage d’Homo sapiens. Mais pourquoi les préférences musicales se fixent-elles à l’adolescence, au moment où le cerveau est encore en transformation ?
Si vous êtes né entre 1978 et 1981, il y a des chances pour que vous soyez accro du groupe de rock californien Weezer. Cette affection n’aurait aucun sens pour les gens tout juste un peu plus vieux ou un peu plus jeunes, pour qui la guitare pop de Weezer apparaît certes intelligente et agréable, mais un peu trop superficielle pour avoir beaucoup de sens. En revanche, pour les membres d’une certaine génération, la sortie du premier album du groupe en 1994, connu des fans comme l’album bleu, fut celle d’une œuvre débordant d’émotions ; ces dix morceaux fonctionnaient comme les clés des serrures secrètes du cerveau adolescent, capables d’exprimer tous les malaises et les angoisses de ces mélodramatiques années de lycée.
Une exquise orchestration de diverses régions du cerveau
Nous avons tous des références musicales comme celle-ci, des musiques qui se gravent en nous à l’adolescence et nous accompagnent toute notre vie. Pour moi, c’est l’album bleu et absolument tout ce que les Smashing Pumpkins ont enregistré jusqu’en 1998. Pour vous, c’est autre chose, mais c’est certainement...