L’ange foudroyé
Publié dans le magazine Books n° 120, juillet-août 2022. Par Baptiste Touverey.
Annemarie Schwarzenbach était riche, lesbienne, accro à la morphine. Elle avait été l’égérie des nuits berlinoises. En 1933, l’arrivée au pouvoir des nazis la poussa à partir sillonner le globe et fit d’elle une grande écrivaine voyageuse.
Ses portraits la montrent souvent les cheveux courts, à la garçonne, le visage parfait. La photographe Marianne Breslauer, qui réalisa certains de ces clichés, évoque dans ses Mémoires « la plus belle créature [qu’elle ait] jamais rencontrée ». On connaît le surnom que lui avait donné Roger Martin du Gard : « l’ange inconsolable ». On sait moins que Thomas Mann recourut lui aussi un jour à la même métaphore. Sous sa plume, la Suissesse Annemarie Schwarzenbach était un « ange désolé ». À l’époque, la jeune femme, ex-amoureuse éconduite d’Erika, la fille aînée de l’écrivain, et égérie des nuits berlinoises (de ses clubs destinés aux travestis, en particulier), était devenue accro à la morphine.
On voyage souvent pour fuir quelque chose, et, ce que l’on fuit avec le plus d’acharnement, c’est en général sa famille. Celle d’Annemarie Schwarzenbach, qui avait fait fortune dans la soie, admirait Hitler. Elle, pas du tout. D’ailleurs, son premier grand voyage date de 1933...