L’alpiniste qui ne prenait pas assez de hauteur
Publié en septembre 2024. Par Books.
À peine sorti, le dernier ouvrage de Reinhold Messner, Gegenwind, s’est retrouvé sur la liste des meilleures ventes outre-Rhin. Ce n’est pas seulement que Messner, Italien de langue allemande, reste, à 80 ans, l’alpiniste le plus connu du monde, le premier à avoir gravi l’Everest sans oxygène, puis les quatorze sommets de plus de 8 000 mètres de la planète, le représentant phare d’un style d’ascension aussi élégant que dangereux, privilégiant la vitesse et le minimalisme. C’est aussi que l’ouvrage, sous ses dehors autobiographiques, porte une grosse charge polémique. Gegenwind, ce sont les « vents contraires », ceux que Messner dit avoir dû affronter toute sa vie.
La plus grande épreuve, celle qui occupe une part centrale du livre, c’est bien sûr la mort de son frère Günther en 1970, emporté par une avalanche, alors que Reinhold et lui redescendaient du Nanga Parbat. Ébranlé et désespéré par le drame lui-même, Messner dut subir en sus l’accusation d’avoir sacrifié son frère à sa gloire et de n’avoir pas suivi l’itinéraire qu’il prétendait avoir suivi. Même si la découverte de restes de Günther, des décennies plus tard, à l’endroit qu’il avait indiqué, a fini d’accréditer sa version des faits, la blessure reste entière. Au point, d’ailleurs, d’indisposer certains critiques qui, tel Stephan Klemm, dans le Frankfurter Rundschau, reproche à Messner son ton trop « larmoyant » et son « aigreur » : « Il décrit non pas une fois, mais dix fois à quel point il se sent traité injustement, évoque et non pas une fois, mais d’innombrables fois tous les torts dont il a été victime. Qu’il ait été incompris, qu’on ait répandu sur lui des mensonges, c’est indéniable », estime Klemm, pour qui néanmoins le manque d’« autodérision » gâte cette autobiographie et la transforme, par moments, en simple « réquisitoire acerbe adressé à ses adversaires ».