Publié dans le magazine Books n° 45, juillet-août 2013. Par Mark Bostridge.
Deux avant la parution du roman de Flaubert, un énorme scandale agite la Grande-Bretagne et inquiète jusqu’à Darwin. Un bourgeois trompé par sa femme brandit au tribunal le journal intime dans lequel elle décrit sa passion pour un médecin de dix ans plus jeune qu’elle.
Le 24 juin 1858, Charles Darwin interrompit la rédaction de son « interminable livre sur les espèces » pour écrire à son cousin et ami William Darwin Fox. Charles se faisait un sang d’encre pour sa fille Etty et pour son dernier-né, tous deux malades
[le bébé mourra peu après de la scarlatine, NdlR]. Six jours auparavant, il avait appris avec anxiété que son confrère Alfred Russel Wallace était arrivé à des conclusions semblables aux siennes sur la sélection naturelle. Mais le sujet principal de la lettre est le sort du docteur Edward Lane, directeur de l’établissement thermal de Moor Park, dans le Surrey, où Darwin avait lui-même séjourné plusieurs fois pour soigner des états anxieux et dépressifs. Or la réputation du médecin se jouait à présent devant une cour instituée peu de temps auparavant à Londres, le Tribunal des divorces et affaires matrimoniales, devant lequel un certain Henry Robinson, ingénieur civil de son état, avait formé une requête en dissolution de mariage au motif que son épouse, Isabella, l’avait trompé avec Lane (1).
Ce qui rendait l’affaire encore plus scandaleuse – « incomparable par sa nature et par...