Publié dans le magazine Books n° 14, juillet-août 2010. Par Adam Shatz.
Du hard rock ou du rap diffusé à plein volume pendant des jours dans les rues de Fallujah ou les cellules de Guantanamo… Depuis l’invasion du Panamá en 1989, l’armée américaine a fait de la musique une arme psychologique particulièrement efficace.
Imaginez : vous êtes enfermé dans une pièce sans fenêtre, plongé dans l’obscurité, et une musique particulièrement désagréable à vos oreilles est diffusée à un volume tel qu’elle semble faire vibrer l’intérieur même de votre corps. Vous pourriez qualifier cela d’insoutenable. Imaginez maintenant que cette musique passe en boucle 24 heures sur 24, que rien ne permet de savoir si, ni quand, elle s’arrêtera, et que vous ne pouvez pas fuir. Vous pourriez qualifier cela de torture.
Voilà ce qu’a subi Binyam Mohamed dans une prison secrète de la CIA aux abords de Kaboul, forcé d’écouter sans interruption pendant vingt jours les rappeurs Eminem et Dr. Dre. Mais il n’est que l’un des milliers de prisonniers de la « guerre contre le terrorisme » à avoir été soumis à d’interminables salves de heavy metal, de gangsta rap, de disco ou encore de chansons pour enfants abrutissantes.
Cette pratique est-elle une forme de torture, comme l’a dit le Comité des Nations unies contre la torture qui, en 1997, a condamné la pratique israélienne consistant à tenir les prisonniers palestiniens éveillés des jours durant avec de la musique bruyante ? Ou...