Publié dans le magazine Books n° 13, mai-juin 2010. Par José Manuel Prieto.
La révolution cubaine est un échec cuisant. Comment expliquer la fascination qu’elle continue d’exercer ? Par l’idéalisme qu’elle a représenté, mais aussi en raison du génie politique de Fidel Castro, qui a su arracher l’île à la force d’attraction de la puissance américaine. Témoin de longue date, l’écrivain en exil José Manuel Prieto prend la plume pour répondre à ceux qui, à travers le monde, restent éblouis par un régime qu’ils ne connaissent ni ne comprennent vraiment. Extraits d’un ouvrage inédit dans sa langue d’origine.
Le jour de mon arrivée à New York, il y a plus de dix ans, lors de mon deuxième ou troisième voyage en Amérique, j’envisageai le froid, la file de taxis, le paysage des États-Unis : ce pays avec lequel le mien avait été en guerre toute ma vie. Du moins était-ce ce qu’on m’avait répété sans relâche. Le chauffeur de taxi, un Indien ou un Pakistanais à l’air peu engageant, auquel je m’escrimais à donner l’adresse où j’allais, se tourna vers moi d’un bloc, me scruta une seconde, évalua mon accent et me demanda pour m’amadouer : « De quel pays toi venir ? »
Quelle ne fut pas sa réaction, à l’écoute de ma réponse :
« Cuba ? » Puis il enchaîna : « Fidel Castro ! »
La façon qu’il avait eue de le dire m’irrita au plus haut point : il claqua des doigts, se pourlécha les babines de plaisir, bomba le torse en me regardant une nouvelle fois dans le rétroviseur. Il prenait l’attitude, la véhémence, l’énergie de celui qui évoque avec admiration l’homme fort du village. Son anglais n’était pas...