La Sicile frustrée de Brancati
Publié dans le magazine Books n° 11, janvier-février 2010. Par Alberto Manguel.
Alors qu’un érotisme de pacotille envahit tout, Alberto Manguel nousinvite à redécouvrir les romans de l’Italien Vitaliano Brancati. Loindu voyeurisme gratuit, une réflexion sur l’inassouvissement du désir.
Vitaliano Brancati ne ressemble à aucun autre écrivain italien du XXe siècle. Ses romans ne sont ni ne cherchent à être réalistes. Ses œuvres majeures, notamment Le Bel Antonio, Don Juan en Sicile et Les Plaisirs,sont tout le contraire d’une vision sévèrement objective de la réalité sociale. Sous l’apparence d’une peinture de mœurs, avec des éléments que le rêve emprunte au réel, Brancati construit une sorte de monumental fantasme masculin : l’univers vu par un Adam auquel Dieu adit qu’il était le roi de la Création et que la femme est sortie de sa côte ; quelque chose de bizarre et pervers, d’implacablement attirant et inaccessible.
Nul n’a montré mieux que Brancati comment, dans une société patriarcale ankylosée (sicilienne dans ce cas, mais l’exemple a valeur universelle), le monde est moins divisé en classes sociales qu’en sexes : d’un côté, les hommes – forts, endurants et sévères –, qui ont décidé que seul le travail masculin était rude et authentique, son vocabulaire digne de foi, ses lois et ses règles valides ; de...
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