La secte de l’orthographe
Publié en octobre 2024. Par Books.
Le roman se déroule dans le Chili du milieu du XIXe siècle. Juan Marín arrive à Valparaíso, une ville portuaire et cosmopolite, fuyant le sud suite à une trahison. Parler, c’est ce qu’il fait de mieux : il parle l’anglais, le français, l’allemand, l’espagnol et la langue des Indiens Mapuches. Mais pour échapper à son passé il fait vœu de mutisme. Son silence ne l’empêche pas d’être employé dans une banque en tant qu’agent de ménage.
Il est alors contacté par une société de passionnés de langues lorsqu’elle découvre que Marín est polyglotte. Ce sont des adeptes de la néographie, un mouvement dont l’objectif principal est l’orthographe : « Les mots doivent s’écrire comme ils se prononcent ». Derrière cette devise se cache l’idée que la langue est une prison et que traduire est une trahison. La doctrine de ces « passionnés du langage » qui prônent une simplification radicale de l’écriture, faisant correspondre à chaque son un graphème, dépasse largement le domaine purement linguistique. Le radicalisme sectaire menant à tout, Marín sera impliqué dans un attentat contre la banque où il travaille.
De son vrai nom Juan Curín, le protagoniste est le fils d’un chef Mapuche et de Stéphanie Lafforgue, une immigrée française qui, après le naufrage de son bateau sur la côte d’Arauco, au sud du pays, est faite prisonnière par les Indiens de la région. Enfant, son père Mapuche l’a offert à l’État chilien en guise d’offrande de paix puis confié à des moines capucins afin que, l’élevant en chrétien et lui apprenant la langue de la péninsule, « il soit araucanien par le sang et la couleur, mais chilien par ses goûts, ses opinions, sa morale et son intelligence », peut-on lire dans El País Chile.Il est devenu chilien, mais ne l’est pas vraiment. Il voulait être Mapuche, mais il a été considéré comme traître à son peuple lorsque celui-ci, voulant se rebeller contre l’envahisseur espagnol, Marín, craignant un massacre, décida de le trahir afin d’éviter l’effusion inutile du sang. Il fut contraint de s’enfuir à Valparaíso. Que lui restait-il alors si ce n’était devenir néographe ?
Selon Joaquín Castillo Vial dans El País Chile, « ce premier roman d’Ignacio Álvarez – auteur du brillant recueil d’essais El curso que hice al revés (« Le cours que j’ai fait à l’envers », Laurel, 2022) – montre un écrivain qui maîtrise brillamment le langage narratif, capable de construire une intrigue aux accents philosophiques et anthropologiques profonds, montrant que les malentendus sur la langue peuvent conduire aux pires catastrophes. Mais également qu’une histoire bien racontée peut tout sauver. »