Publié dans le magazine Books n° 45, juillet-août 2013.
Au cours du mois qui précède le déclenchement de la Première Guerre mondiale, le secrétaire particulier du chancelier allemand Bethmann Hollweg décrit au jour le jour les dernières tractations diplomatiques avant la conflagration. Obsédé par « les exigences croissantes et la puissance incroyables de la Russie », le chancelier juge déjà inéluctable l’éclatement d’un colnflit qui « renversera tout ce qui existe ». Un témoignage exceptionnel.
7 juillet 1914
Suis parti avec le chancelier du Reich
[pour Hohenfinow, la résidence de campagne de Bethmann Hollweg, près de Berlin]. Le vieux palais, les tilleuls merveilleux, énormes, qui flanquent la route comme une voûte gothique. Tout le monde pleure encore la mort de l’épouse
[Martha von Bethmann Hollweg, le 11 mai 1914]. Mélancolie et maîtrise de soi.
Le soir, longue conversation dans la véranda, sous le ciel nocturne, à propos de la situation. Le tableau brossé par les rapports secrets dont il me fait part est préoccupant. Le chancelier prend très au sérieux les entretiens entre les états-majors navals anglais et russe, en vue d’un accord sur les débarquements amphibies en Poméranie
[en cas de guerre], les considérant comme le dernier maillon de la chaîne. Lichnowsky
[ambassadeur d’Allemagne à Londres] est beaucoup trop confiant. Il se laisse berner par les Anglais. La puissance militaire de la Russie se développe vite ; sa construction stratégique
[de chemins de fer] en Pologne la rend impossible à arrêter. L’Autriche est de plus en plus faible et...