Publié dans le magazine Books n° 52, mars 2014. Par Richard J. Evans.
Bruyante, inconfortable et plutôt laide, elle fut pourtant la voiture la plus populaire du xxe siècle : au faîte de sa gloire, Volkswagen vendit plus d’un million de Coccinelle par an. Mais comment une voiture imaginée par Hitler, sans qualités, à laquelle nul ne prédisait le moindre avenir, est-elle devenue après guerre la chérie des classes moyennes du monde entier, l’un des symboles du flower power des années 1960, et une « zone d’intimité » favorable aux naissances ?
Quand je me rendis pour la première fois en Allemagne, au début des années 1970, les routes grouillaient de petites bestioles trapues et difformes qui allaient et venaient dans les rues des villes, pétaradaient sur les autoroutes, avec leur bruyant moteur à refroidissement par air, leur toit bombé s’étirant jusqu’au pare-chocs arrière et, pour les modèles plus anciens, une lunette ovale si étroite que je me demandais comment le conducteur pouvait voir quoi que ce soit dans son rétroviseur intérieur. La laideur du véhicule, toutefois, n’était rien comparée à l’horreur d’un trajet à son bord. Souvent contraint de prendre place sur la banquette quand je voyageais avec mon groupe d’amis, je me sentais vite gagné par la claustrophobie, oppressé que j’étais par son plafond bas ; les vibrations et le vrombissement du moteur situé derrière moi me donnaient bientôt des maux de tête, rendus plus aigus encore, les mois d’hiver, par l’odeur répugnante du chauffage. Négocier un virage à pleine vitesse – celle, du moins, que pouvait s’autoriser le véhicule – se révélait un cauchemar : le roulis de la voiture...