Dans sa célèbre allocution prononcée à Harvard en 1837 sur « Le savant américain », le philosophe Ralph Emerson voyait venir le jour où les États-Unis cesseraient d’être « les apprentis du savoir d’autres contrées ». Sa prédiction s’est réalisée au xxe siècle et nulle part davantage que dans le domaine des sciences. Il en aurait été heureux. Dans sa liste de héros, Emerson faisait figurer Copernic, Galilée et Newton aux côtés de Socrate, Jésus et Swedenborg (1). Mais le philosophe aurait sans doute éprouvé des sentiments mêlés concernant l’une des conséquences du progrès des sciences, ici comme ailleurs : l’affaiblissement général des croyances religieuses.
Emerson n’était pas très orthodoxe. Selon le mot d’Herman Melville, il pensait que, « s’il avait vécu au moment de la création du monde, il aurait pu faire quelques précieuses suggestions ». Mais cet ancien pasteur unitarien parlait généralement en bien du Tout-Puissant. Il se désolait du recul de la foi – notion qu’il opposait à la simple piété et à la pratique du culte – qu’il observait aux États-Unis et...