Publié dans le magazine Books n° 29, février 2012. Par Roger Atwood.
Non, ce ne sont pas les célèbres statues géantes qui ont détruit l’île de Pâques en obligeant ses habitants à abattre les arbres nécessaires à leur transport. Non, la population n’a pas décliné en raison de son imprudence écologique, comme le prétend la vulgate. Les coupables, ici comme ailleurs en Amérique, ce sont les maladies venues d’Europe.
On a longtemps cru que l’énigme de l’île de Pâques était résolue. Ses habitants polynésiens, nous disait-on, avaient abattu les arbres pour défricher des terres afin d’accueillir une population à la croissance inconsidérée, et de construire des traîneaux en bois pour transporter leurs statues de pierre, les
moai, jusqu’à leurs plates-formes cérémonielles. Il n’y eut bientôt plus d’arbres pour fabriquer les pirogues à bord desquelles les habitants auraient pu retourner d’où ils étaient venus. Enfermés dans une prison qu’ils avaient eux-mêmes édifiée, ils furent frappés par une série de calamités : pénuries, guerres et cannibalisme. C’est à cause de leurs déplorables excès qu’ils moururent.
Rétrospectivement, cette version de l’histoire était mûre pour la curée. Comme l’affirment l’archéologue Terry Hunt et l’anthropologue Carl Lipo dans leur livre passionnant, la thèse de l’« écocide » reposait sur une mauvaise interprétation des sources historiques et des données archéologiques. Les deux auteurs consacrent des litres d’encre à réfuter le
bestseller de Jared Diamond,
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