Montaigne a écrit Les Essais en « langue vulgaire » afin de pouvoir être lu des dames d’alors. Bon calcul : les grands lecteurs sont des lectrices. « Les femmes sont les seules à lire en France, regrettait Stendhal. La grande occupation des provinciales, c’est de lire des romans. […] Les hommes ont pris le goût de la chasse et de l’agriculture, et leurs pauvres moitiés ne pouvant faire des romans se consolent en les lisant ». Désormais, les « pauvres moitiés » se sont mises à « faire des romans ».
Même s’il y a eu des antécédents – Mme de La Fayette, George Sand, Jane Austen… –, la littérature par les femmes et pour les femmes est un phénomène de masse récent. Il a fallu attendre Virginia Woolf et
Une chambre à soi (1) (1928) pour le voir théorisé. Au XVIIIe siècle, s’indigne-t-elle, le Dr Johnson pouvait encore écrire à propos d’une artiste qu’elle est « comme un chien qui marche sur ses pattes arrière. Il ne fait pas ça bien, mais c’est formidable qu’il puisse même le faire ».
Qu’est-ce qui a changé la donne ? Pour Virginia Woolf, c’est...