Publié dans le magazine Books n° 16, octobre 2010. Par Jutta Hoffritz.
Elle fête ses 300 ans. Du moins en Europe, et plus précisément en Saxe, où l’alchimiste du prince perça enfin, en 1709, le secret des Chinois. Le commerce de la porcelaine devint alors l’un des premiers enjeux de la mondialisation. Princes avides, traîtres et espions tissèrent la trame d’un véritable roman industriel.
En se demande ce qu’Auguste le Fort, prince de Saxe, aurait pensé de cette querelle. Voilà que, trois cents ans exactement après l’entrée en fonction de sa manufacture de porcelaine à Meissen sur l’Elbe, la première de ce type en Europe, les Britanniques ont le toupet d’affirmer qu’ils s’y étaient mis bien avant lui. Mais il s’avère que, si les motifs des trois vases censés le prouver ont bien été peints en Angleterre au XVIIe siècle, les objets eux-mêmes provenaient de Chine (1).
Le prince de Saxe se serait sans doute fâché, violemment fâché même, mais aurait-il été étonné ? Pas le moins du monde. De son temps, la porcelaine était un produit que l’on se disputait âprement à l’échelle mondiale, un produit volé, imité, avidement collectionné. Depuis que les premières pièces avaient été importées d’Extrême-Orient en Occident, la matière blanche tournait la tête des princes européens. Mais comment les Chinois la fabriquaient-ils ? Leur savoir-faire demeurait impénétrable. Dès le XVIe siècle, des expérimentations avaient été menées sur une argile de qualité...