Publié dans le magazine Books n° 65, mai 2015. Par Justin Marozzi.
Un ouvrage qui fera date rompt enfin avec l’approche eurocentrique de la Première Guerre mondiale. Il montre que le Moyen-Orient a plus souffert des conséquences à long terme du conflit que presque toute autre région du monde. Et qu’il en paie toujours le prix.
Le 11 novembre 1914, le cheikh al-Islam Ürgüplü Hayri Efendi, autorité religieuse suprême de l’Empire ottoman, posa avec emphase une question dans l’enceinte de la mosquée Fatih d’Istanbul. Cette question et la réponse catégorique qu’il donna lui-même devaient affecter la vie de millions de musulmans dans tout le Moyen-Orient pendant les quatre années suivantes.
« Question : quand des ennemis attaquent le monde islamique, quand il a été établi qu’ils s’emparent de pays musulmans pour les piller et capturent des fidèles, et quand Sa Majesté le Padichah de l’Islam
[le sultan ottoman Mehmed V] ordonne le djihad sous la forme d’une mobilisation générale, le djihad devient-il alors […] obligatoire pour tous les musulmans ? Est-ce un devoir pour tous les musulmans du monde entier, qu’ils soient jeunes ou vieux, à pied ou à cheval, de prendre part au djihad avec leurs biens et leurs richesses ? Réponse : oui. »
Traditionnellement, les historiens minimisent l’importance du djihad contre les Alliés qui suivit, orchestré par les Allemands, de sorte qu’il a été jugé sans pertinence pour l’effort de guerre global. Certes, il n’eut pas l’...