Publié dans le magazine Books n° 99, juillet/août 2019. Par Anne Barton.
Menacée, défigurée, transformée, la forêt reste enfouie au plus profond de notre mémoire culturelle. Sanctuaire de la vie sauvage, refuge des hors-la-loi, des héros, des amants et des persécutés, elle est cet espace en marge sans lequel la cité ne pourrait exister.
Dans
De l’autre côté du miroir, la Reine Rouge avait averti Alice : la Septième Case de l’échiquier était « complètement recouverte par une forêt ». Quand Alice arriva à la lisière du bois, l’obscurité l’intimida un peu. « Ma foi, en tout cas c’est très agréable, poursuivit-elle en pénétrant sous les arbres, après avoir eu si chaud, d’arriver dans le… dans le… au fait dans quoi ? continua-t-elle, un peu surprise de ne pas pouvoir trouver le mot. […] Comment diable est-ce que ça s’appelle ? Je crois vraiment que ça n’a pas de nom. […] Mais, voyons, bien sûr que ça n’en a pas ! […] Et maintenant, qui suis-je ? Je veux absolument m’en souvenir, si c’est possible. » Mais Alice ne pouvait pas s’en souvenir. Le Moucheron l’avait prévenue, elle venait d’entrer dans le bois où les choses et les êtres vivants n’avaient pas de nom
1.
Dans sa version annotée d’Alice
2, Martin Gardner voit dans ce bois le monde lui-même, avant que les êtres humains manipulateurs de symboles aient donné des noms aux é...