Publié dans le magazine Books n° 16, octobre 2010. Par Richard C. Lewontin.
La théorie de la sélection naturelle a fait ses preuves. Seul problème : elle n’explique pas pourquoi les êtres vivants sont ce qu’ils sont. Les biologistes de l’évolution et les philosophes de la biologie en savent moins qu’ils le prétendent. Cela les rend nerveux.
Rien ne crée davantage le malentendu sur les résultats de la recherche que lorsque les scientifiques recourent à la métaphore. Ce n’est pas seulement le grand public que cela plonge dans la confusion : cela va jusqu’à fausser la compréhension que les chercheurs ont de la nature. L’exemple le plus fameux et le plus lourd de conséquences est l’expression « sélection naturelle » forgée par Darwin. « De jour en jour, d’heure en heure, dans le monde entier, écrit-il dans
L’Origine des espèces, elle scrute la moindre variation, la plus infime soit-elle, écarte tout ce qui est mauvais, préserve et accumule ce qui est bon. »
Cette conception du moteur de l’évolution, Darwin la tirait explicitement de l’action des agriculteurs et des éleveurs qui sélectionnent les spécimens dont ils jugent les propriétés bénéfiques à la production des générations futures. La sélection « naturelle » est donc la version étendue de cette sélection humaine. Malheureusement, même les biologistes de l’évolution n’ont pas toujours conscience des dangers de la métaphore. Alfred Russel Wallace, le co-inventeur de notre conception de...