Publié dans le magazine Books n° 30, mars 2012. Par Gustav Seibt.
Il était homosexuel. Elle le savait. Leur union ne reposa jamais sur l’attirance physique et fut pourtant une réussite. En grande partie grâce au non-conformisme de Katia.
Quand il épousa Katharina Pringsheim en 1905, Thomas Mann expliqua qu’il avait daigné « se donner une loi ». Vingt ans après, il citait Hegel : « Le chemin éthique vers le mariage commence par la décision de s’unir, le développement d’une inclination ne vient que plus tard. » Avant de préciser : « J’ai lu cela avec plaisir, parce que ce fut mon cas. » Il n’y a pas de doute, le mariage fut pour Thomas Mann un point d’ancrage fondamental, qui lui permit d’obtenir, moyennant de menus sacrifices personnels, de nombreux avantages ; grâce à cette union, le tumulte de sa vie intellectuelle put être équilibré par la stabilité absolue de sa situation matérielle. Il est rare de voir un projet de vie si ambitieux réussir aussi parfaitement. Le célèbre discours que Thomas Mann prononça pour les 70 ans de sa femme (« Aussi longtemps que les hommes penseront à moi, ils penseront à elle ») exprime un amour entièrement fondé sur la gratitude – gratitude, avant tout, envers l’infinie indulgence de Katia.
Une famille atypique
Lorsque Thomas Mann décida de conquérir la plus belle et la plus riche femme de...