La bohème est toujours là
Publié le 5 octobre 2018. Par La rédaction de Books.
Décor pour l'opéra "La Bohème", Reginald Gray
Charles Aznavour pleurait la mort de la bohème depuis 1965. Il ne faisait là que reprendre un lieu commun, assurent les professeurs de littérature Anthony Glinoer et Pascal Brissette dans Bohème sans frontière. Depuis les Scènes de la vie de bohème d’Henry Murger, la bohème est un mythe qui n’en finit pas de mourir. D’autant qu’il n’en existe pas vraiment de définition.
Dans les chroniques de la vie littéraire et artistique du XIXe siècle déjà, trois autres « bohèmes » font concurrence à la version de Murger (l’artiste pauvre mais heureux). On y trouve une variante politique et réfractaire incarnée par Jules Vallès. Par conviction, ces écrivains-journalistes refusent de faire carrière, au prix de la misère. Il y a aussi la bohème « Je-m’en-foutiste » dont l’opposition à l’ordre moral n’est pas argumentée mais projetée à travers une subversion des formes et du bon goût. Enfin, il y a les bas-fonds où se mêlent artistes pauvres, vagabonds, hors-la-loi, bourgeois ruinés…
Ces quatre formes de bohème ne sont jamais totalement différenciables et c’est justement cela qui a permis au mythe de se maintenir et de se propager. « Au gré de la formation dans les métropoles de communautés créatives ou créatrices, précarisées et subversives, des quartiers bohèmes se sont constitués sur le modèle du Quartier Latin : Schwabing à Munich, Greenwich Village à New York, San Telmo à Buenos Aires », écrit Glinoer.
La bohème tient à sa manière de se montrer. Pour être bohème, il faut le paraître et être reconnu comme tel à travers certains traits caractéristiques (marginalité, consommation excessive d’alcool et de drogue, goût de la provocation, dédain de l’argent…). En ce sens, pour Glinoer et Brissette, on peut considérer les mouvements dadaïste, beatnik, hippy ou punk comme des héritiers de la bohème du XIXe siècle.
A lire aussi dans Books : Les chevaliers de la bohème, décembre 2008-janvier 2009.