Publié dans le magazine Books n° 22, mai 2011. Par Toni Bentley.
Voilà plus de quatre siècles que cet art né à la cour de Henri III enchante le monde. Quatre siècles que la danse classique élève l’homme, magnifie la femme et promeut une noblesse du corps qui éclipse toutes les aristocraties. Une ancienne danseuse raconte cette épopée dans la plus belle histoire jamais écrite de cet art d’exception, dont elle annonce aussi le déclin.
Nul, jamais, n’a réussi ce que Jennifer Homans a accompli avec
Apollo’s Angels : écrire la seule véritable histoire de référence de l’art le plus incroyablement prodigieux qui soit, le ballet. Cet art de l’« étiquette aristocratique » des plus exquis et des plus raffiné, cette « science du rapport à l’autre », pour reprendre la formule d’un maître de ballet du XVIIe siècle, où de charmantes jeunes femmes se juchent sur la pointe de leurs dix doigts de pieds (en réalité, ce sont les deux orteils qui soutiennent à eux seuls, à tour de rôle, le poids de tout le corps, ce qui laisse songeur), s’élevant là où l’air est plus rare mais le paradis plus proche. Jennifer Homans a pris ce monde où vierges, sylphides, princesses endormies et « femmes en blanc » incarnent l’éternel – l’éternellement inaccessible –, et l’enchevêtre à l’histoire du monde. Et nous voyons, miraculeusement, poindre leur tulle pâle et leurs chaussons de satin des fissures de la guerre, des révolutions et des complots politiques ; nous les voyons surgir à la cour des rois et des tsars, du lieu même qui donna...