Ils se sacrifièrent pour des plantes

Quand débuta le siège de Léningrad, en septembre 1941, le directeur de l’Institut de botanique appliquée et de sélection végétale, qui abritait la première véritable banque de plantes du monde, fut exfiltré vers une ville de l’Oural. Un train contenant une grande partie de la collection devait suivre, mais resta en rade. Comme la famine menaçait, le directeur enjoignit aux botanistes de manger graines et tubercules. Ils refusèrent, préférant se sacrifier. Le siège dura jusqu’en janvier 1944. Un tiers de la population de la ville périt. À l’institut, il s’agissait de maintenir la banque à une température de 1 ou 2 degrés au-dessus de zéro. En janvier et février 1942, la température extérieure descendit à – 40 °C. Les botanistes volaient du combustible. 28 moururent de faim. Un jour, le biochimiste Nikolaï Rodionovitc Ivanov découpa en fines lanières un harnais de cuir brut et les fit bouillir pendant huit heures pour nourrir ses collègues. Ils durent lutter contre des invasions de rats, capables de s’introduire dans des boîtes de métal ventilées afin de manger les graines. Soumis au bombardement incessant des Allemands, ils allaient éteindre les bombes incendiaires qui s’abattaient sur le toit de l’Institut. Sur les 250 000 spécimens de la banque, 210 000 sortirent intacts à la fin de la guerre. Les témoignages des survivants sont unanimes. « Ce n’était pas difficile pour nous de ne pas manger la collection, expliqua le responsable de la banque de tubercules. C’était simplement impossible de manger le travail de notre vie, le travail de la vie de nos collègues. » Plusieurs plants de blé à haut rendement et de pommes de terre résistantes aux maladies servirent à nourrir la planète après la guerre.

LE LIVRE
LE LIVRE

The Forbidden Garden: The Botanists of Besieged Leningrad and Their Impossible Choice de Simon Parkin, Scribner, 2024

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