Il a fait plier Kadhafi
Publié en mars 2025. Par Books.
Espérant ne pas connaître le sort de Saddam Hussein, le colonel Kadhafi invita le patron de Human Rights Watch (HRW), un organisme concurrent d’Amnesty International, à venir en Libye. De façon inattendue, Kenneth Roth produisit une liste bien documentée de 131 prisonniers politiques, dont il demanda la libération. Les officiels explosèrent de rage, raconte-t-il dans son livre, « pensant sans doute trouver les moyens de nous contraindre à ne pas publier la liste ». Il laissa quelque temps les cendres retomber puis les mit devant un choix. Lui et son équipe allaient organiser une conférence de presse en Égypte. Quand les journalistes poseraient des questions sur leur séjour en Libye, il pourrait répondre : « Tout ce qu’ils ont fait, c’est nous crier dessus ». Ou bien : « Les conversations ont été productives, et ils ont promis diverses mesures ». Les officiels ont présenté leurs excuses et les 131 prisonniers ont été libérés.
Cette histoire illustre la philosophie développée par Roth au cours des trente années pendant lesquelles il a présidé HRW (il a pris sa retraite). Quel que soit leur degré de psychopathie, les autocrates ont le souci des apparences – dans une certaine mesure au moins. L’URSS de Staline et l’Allemagne d’Hitler avaient déployé tout un art de dissimulation de leurs exactions. De même la Chine actuelle, qui a publié des cartes sur lesquelles le lieu des camps de travail réservés aux Ouighours avait été blanchi – une maladresse qui servit à les repérer, note The Economist. Le souci des apparences est un point faible que les organisations de défense des droits de l’homme peuvent exploiter, à condition de faire un travail de documentation irréprochable.
La méthode a ses limites. HRW n’a abouti à aucun résultat en Syrie, observent deux responsables de la fondation Soros dans la revue Foreign Policy. Aucune organisation de défense des droits de l’homme n’a pu enrayer les massacres commis par l’armée israélienne à Gaza.