Le IIIe Reich touristique
Publié le 31 juillet 2019. Par La rédaction de Books.
Quelle destination pour les vacances ? L’Allemagne nazie. Pendant l’entre-deux guerres, le pays était prisé des Britanniques et des Américains. Au milieu des années 1930, près d’un demi-million d’Américains allaient chaque année faire du tourisme dans la contrée de Goethe et… d’Hitler, précise l’écrivaine britannique Julia Boyd dans Travellers in the Third Reich.
Les signatures au bas du traité de Versailles de 1919 n’étaient pas sèches, note-t-elle, que les étrangers retournaient en Allemagne. La guerre avait épargné les magnifiques paysages germaniques, ses villages typiques et ses forêts romantiques. La vie culturelle était également très riche. Plus d’une centaine de villes disposaient d’une compagnie de théâtre ; Berlin comptait trois opéras. Les esthètes découvraient l’architecture Bauhaus, l’expressionnisme et le dadaïsme. Et puis, la République de Weimar promettait des libertés, notamment sexuelles, excitantes pour les touristes originaires des très puritains pays anglo-saxons.
Quand Hitler accède au pouvoir en 1933, les touristes continuent à affluer. D’après les recherches de Boyd, sa lecture des journaux intimes et des lettres de ces visiteurs, il est très clair que la brutalité du régime nazi ne leur échappait pas. Les slogans et journaux antisémites s’étalaient sous leurs yeux ; des visites du camp de Dachau (où sont internés des prisonniers politiques dès 1933) sont organisées. Pour Boyd, beaucoup s’étaient fait leur propre idée avant d’arriver en Allemagne. Soit ils ne voyaient que les « réalisations » extraordinaires du régime (les nouvelles autoroutes, la propreté des rues …), soit sa brutalité criminelle. En 1936, un couple britannique en voyage de noces accepte ainsi de faire passer la frontière à une adolescente juive.
Face à la réalité politique, le pragmatisme prévaut (d’autant plus que le taux de change est favorable) et la culture germanique est séduisante. Les agences de voyage, telles Thomas Cook & Co continuaient de vanter jusqu’en 1939 le charme bucolique de l’Allemagne.
À lire aussi dans Books : Hollywood et le Reich, septembre 2013.