Hong Kong n’a pas fini de manifester
Publié le 14 juin 2019. Par La rédaction de Books.
Mardi 11 juin, le Parlement de Hong Kong, face à la mobilisation massive des habitants de la cité, a annoncé le report des débats sur le projet de loi sur les extraditions vers la Chine continentale. Une décision qui n’a fait qu’amplifier le mouvement populaire.
Les manifestations de grande ampleur font partie de l’identité de Hong Kong, assure l’avocat Antony Dapiran dans City of Protest. Les habitants de la région administrative spéciale sont conscients de la spécificité de leur position dans la République populaire de Chine. Ils s’identifient aux droits et libertés dont ils bénéficient et dont sont privés les ressortissants du reste de la Chine. Les manifestations sont un moyen d’user de cette parcelle de démocratie qui leur est propre.
Cette conscience d’être à part et cette pratique de la manifestation existaient déjà avant la rétrocession de la ville à la Chine en 1997. Dans les années 1960, les Hongkongais se rebellaient déjà massivement contre l’augmentation de 25% du prix de la traversée en ferry entre les deux parties de la cité. Depuis, de nombreux sujets les ont conduits dans la rue, des conditions de travail dans les usines du milliardaire Li Ka-shing à la défense des vendeurs ambulants, en passant par la définition légale de la sédition. Ces mobilisations sont efficaces. Sur de nombreux sujets (le droit du travail, par exemple, ou le contenu de l’enseignement d’histoire à l’école), elles ont permis de changer la loi, de faire reculer Pékin et même poussé à la démission le premier chef de l’exécutif installé après la rétrocession. En 2014, la « révolution des parapluies » a obligé Pékin à retirer sa réforme du mode de désignation du chef de l’exécutif. Mais ce mouvement, qui a bloqué le cœur de la ville pendant 79 jours, illustre aussi les limites des grandes manifestations populaires, souligne Dapiran. Il n’a pas réussi à porter un projet pro-démocratique capable de concurrencer le modèle en vigueur.
Selon Dapiran, les manifestations ont une deuxième fonction : tester les dispositions de Pékin vis-à-vis des libertés de la région spéciale, mesurer son respect du système « Un pays, deux systèmes » mis en place lors de la rétrocession, et peut-être ouvrir quelques perspectives sur l’évolution politique de la Chine continentale.
À lire aussi dans Books : Conversations avec la police chinoise, janvier 2014.