Publié dans le magazine Books n° 82, mars / avril 2017. Par Elisabeth Barillé.
« De l’érotisme, il est possible de dire qu’il est l’approbation de la vie jusque dans la mort », écrivait Bataille. Prémonitoire.
J’ignore le vertige des swipes sur Tinder, l’addictif défilé des visages à chaque mouvement d’index, je ne m’aventure ni sur Happn ni sur Baboo. Et ce n’est ni par pudeur, ni par prudence. Je n’obéis pas ici aux diktats auxquels m’assigne une certaine idée de moi-même. Je n’obéis ni à la femme réelle, ni à la femme idéale, ni même à l’écrivaine soucieuse de sens. Je n’obéis qu’au hasard qui ne m’a pas fait naître dans les années 80 et 90 du siècle précédent. Tinder, l’application pour smartphone la plus téléchargée du moment, est née il y a cinq ans. Ceux qu’elle dope au kif d’être désirable et désiré par des utilisateurs tout aussi désirables et disponibles qu’eux-mêmes, des inconnus tout aussi liés à leur portable chéri, ceux qu’elle enchaîne à l’irrésistible simplicité du bon coup – le
hookup –, en bref, les esclaves des rencontres de proximité « sans prise de tête » auraient entre 18 et 35 ans. Je relis ces données. D’autres...