Publié dans le magazine Books n° 12, mars-avril 2010. Par Michael Greenberg.
Monstre sacré de la littérature hispano-américaine, l’écrivain colombien est fasciné par les tyrans. Dans ses livres comme dans la vie. Son attirance pour le pouvoir l’a conduit à soutenir Fidel Castro contre vents et marées. Une imposante biographie fait remonter ce goût des caciques à son enfance, dominée par la figure charismatique d’un grand-père.
Quand Gabriel García Márquez termina la rédaction de
Cent ans de solitude, en août 1966, il avait près de 40 ans, deux jeunes garçons, et il était si fauché qu’il n’avait pas de quoi expédier le manuscrit de Mexico, où il vivait, à Buenos Aires, chez son éditeur potentiel. Dans sa biographie, Gerald Martin raconte : « Le paquet contenait 490 pages dactylographiées. Le guichetier annonça : “82 pesos.” García Márquez regarda Mercedes [sa femme] fouiller dans son porte-monnaie. Ils n’avaient que 50 pesos et ne pouvaient envoyer que la moitié du livre environ : García Márquez obligea l’employé à enlever les feuillets un à un, comme des tranches de bacon, jusqu’à ce que la somme suffise à payer l’envoi. Ils rentrèrent chez eux, gagèrent le radiateur, le sèche-cheveux et le mixeur, retournèrent à la poste et expédièrent la seconde partie. »
En l’espace d’un an, le succès du roman allait plonger García Márquez dans ce qu’il appellerait « la frénésie de la renommée » ; pour trouver un auteur jouissant d’une telle célébrité, il faut remonter à Hemingway. Avant
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