Freud revu par Aristophane et Sophocle
Publié dans le magazine Books n° 114, juillet-août 2021. Par Mauro Bonazzi.
Socrate fut peut-être le premier des psychanalystes, et Œdipe inventa, à ses dépens, le roman policier. L’un comme l’autre voulait savoir et comprendre. Mais se connaître soi-même se révèle parfois dangereux.
Mauro Bonazzi enseigne la philosophie ancienne et médiévale à l’Université d’Utrecht, aux Pays-Bas.
« LE SEXE, TOUJOURS LE SEXE »
« Maintenant allonge-toi ici et parle-moi un peu de ce qui t’amène. » On va répétant que la psychanalyse est née à la fin du xixe siècle, quand Sigmund Freud commença à examiner ses patients, étendus sur le fameux divan. Mais si c’est là le geste inaugural de la psychanalyse, alors c’est avant que tout a commencé, bien avant. En mars de l’année 423 avant J.-C., les Athéniens se retrouvèrent au théâtre pour assister à la nouvelle comédie d’Aristophane, Les Nuées. L’histoire, toujours la même, est celle d’un père qui ne parvient pas à boucler les fins de mois, avec une épouse peu portée sur les économies (mais qui vient, elle, de la bonne société, à la différence de son mari, un paysan urbanisé), un fils écervelé (sa mère toute crachée, malheureusement) et une foule de créditeurs qui l’assiègent. C’est l’aube, le moment des pensées les plus angoissantes et des intuitions...