Fraternité à l’indienne

Malgré d’indéniables avancées, les intouchables restent la lie de la société indienne, toujours dominée par un système de castes rigide. « La plupart des Dalits restent pauvres. Ils sont ouvriers agricoles, assurent des travaux serviles et sont cantonnés dans des habitations séparées », écrit l’historien Gyan Prakash dans The New York Review of Books. Leur statut est pourtant un sujet politique depuis un bon siècle. Ils ont été formidablement défendus par l’un des leurs, B.R. Ambedkar. Quatorzième enfant d’une famille d’intouchables du centre de l’Inde, il bénéficia de la passion de son père pour l’instruction, passion acquise au sein de l’armée coloniale britannique. Élève brillant, il décrocha une bourse pour l’université de Columbia aux États-Unis, où il obtint un doctorat (il en obtint un second à la London School of Economics).


La biographie de 800 pages que lui consacre le journaliste Ashok Gopal relate admirablement son itinéraire intellectuel et politique, estime Prakash. Influencé par le philosophe John Dewey, fasciné par les principes de la Révolution française, il fit sienne la devise « Liberté, égalité, fraternité », qu’il parvint à promouvoir jusqu’à la faire inscrire dans la Constitution de l’Inde nouvellement indépendante en 1949. Mais déjà il avait prévu ce qui devait arriver : « En politique nous aurons l’égalité, mais dans la vie économique et sociale nous aurons l’inégalité […]. Nous continuerons de nier le principe “un homme une valeur”. » Anticipant un avenir qui reste d’actualité soixante-seize plus tard, il dit aussi en 1948 : « La démocratie en Inde n’est qu’une couche de fumure sur le sol indien, qui est essentiellement non démocratique ».

LE LIVRE
LE LIVRE

A Part Apart: The Life and Thought of B.R. Ambedkar de Ashok Gopal, Navayana, 2023

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BOOKS n°123

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