Publié dans le magazine Books n° 71, décembre 2015. Par Jonathan Franzen.
J’accuse la lutte contre le réchauffement de nuire à la protection de l’environnement ici et maintenant. J’accuse les éoliennes, les fermes solaires et les champs de biocarburants de détruire les paysages. J’accuse la priorité climatique de décourager les petits gestes de sauvegarde de la biodiversité… Le cri de colère d’un grand écrivain américain.
En septembre 2014, moi qui m’intéresse davantage aux oiseaux que d’autres, j’ai suivi l’affaire du nouveau stade que Minneapolis et Saint Paul, les « villes jumelles » du Minnesota, construisent pour leur équipe de football. Selon les prévisions, les murs de verre du bâtiment provoqueront chaque année la mort de milliers de volatiles. Les amoureux des oiseaux avaient donc demandé aux sponsors d’utiliser un verre spécial, orné de motifs, pour limiter les collisions. Ce matériau aurait fait augmenter de 0,10 % les coûts de construction, mais les financiers avaient refusé. À peu près à la même époque, la National Audubon Society publia un communiqué de presse identifiant le réchauffement planétaire comme la « pire menace » qui soit pour les oiseaux d’Amérique : « près de la moitié » des espèces aviaires risquaient de perdre leur habitat d’ici 2080. Cette annonce fut ingénument retransmise par les médias nationaux et locaux, dont le Star Tribune de Minneapolis, où le blogueur qui traite des questions ornithologiques, Jim Williams, tira cette inévitable conclusion : pourquoi se battre contre les murs vitrés d’un stade alors que le vrai danger émane du changement...