Publié dans le magazine Books n° 77, juin 2016. Par Jim Holt.
Scientifique de haute volée, le cousin de Darwin, Francis Galton, a forgé les concepts de base qui fondent toujours les statistiques sociales. Convaincu du caractère partiellement héréditaire des traits humains, il s’inquiétait de voir les pauvres et les « faibles d’esprit » proliférer et a lancé le mouvement eugéniste pour favoriser la reproduction des meilleurs éléments. Une vision dévoyée par ses héritiers.
Dans les années 1880, les habitants de différentes villes britanniques remarquèrent peut-être un vieux monsieur chauve, à favoris, qui louchait sur toutes les jeunes filles qu’il croisait dans la rue, tout en manipulant quelque chose dans sa poche. Ce qu’ils voyaient alors n’était pas la luxure en action, mais la science. Dans sa poche, notre homme dissimulait un appareil qu’il avait baptisé « perceur », une aiguille montée sur un dé à coudre et un morceau de papier en forme de croix. En perçant des trous à différents endroits du papier, il pouvait enregistrer discrètement la note qu’il attribuait à la silhouette de la passante, sur une échelle allant de « séduisante » à « repoussante ». Après de nombreux mois passés à manier son perceur et à compiler les résultats, il put établir une « carte de la beauté » dans les îles Britanniques. Londres en était l’épicentre, Aberdeen l’exact opposé.
Ce genre de recherche allait comme un gant à Francis Galton, qui avait pris pour devise : « Chaque fois que tu peux, dénombre. » Il fut l’un des grands découvreurs victoriens, explora des régions inconnues d’Afrique, fut un pionnier de la prévision...