Publié dans le magazine Books n° 57, septembre 2014. Par Ian Johnson.
Son budget militaire explose et le pays ne respecte pas les limites que le droit international impose à ses eaux territoriales. Prenant exemple sur les États-Unis à la fin du XIXe siècle, la Chine entend faire des mers qui l’entourent une chasse gardée. Au risque d’entrer en conflit avec ses voisins – et avec les Américains. Ceux-ci sont de plus en plus inquiets face à la montée de la puissance de ce nouveau rival, mais plusieurs livres viennent relativiser la menace.
En 1890, un obscur capitaine de la marine américaine publia un livre qui allait influencer des générations de stratèges. Dans
L’Influence de la puissance maritime dans l’histoire, 1660-1783, le dénommé Alfred Thayer Mahan postulait que les grandes nations doivent posséder une marine imposante, dotée de bases navales lointaines, pour projeter leur puissance sur la totalité du globe (1). Son œuvre eut un tel retentissement que l’empereur Guillaume II se jura de l’apprendre par cœur au moment où il cherchait à triompher d’une Grande-Bretagne alors hégémonique, forte de sa Royal Navy. À sa mort, peu après le début de la Première Guerre mondiale, Mahan fut jugé coupable dans une large mesure d’avoir théorisé la course aux armements à l’origine du désastreux conflit.
Au risque de faire un raccourci un peu simpliste, la nouvelle renommée dont jouit Mahan dans cette autre puissance ascendante qu’est la Chine ne doit probablement rien au hasard. Les livres du stratège ont été allègrement réimprimés dans le pays, l’un d’eux contenant une carte dépliante du Pacifique avec les installations...