Expériences fallacieuses
Publié en février 2025. Par Books.
Nos comportements sont souvent le résultat d’automatismes inconscients, induits par les circonstances. Le libre arbitre et l’intentionnalité y perdent des plumes. Conduites par des chercheurs en psychologie, de nombreuses expériences en témoignent. L’exemple phare, qui ouvrit ce champ d’investigation, est l’expérience menée par John Bargh, de l’université Yale, au début des années 1990. Des étudiants servant de sujets doivent former rapidement des phrases avec des mots qui leur sont donnés en désordre. À la moitié d’entre eux, on donne des mots qui évoquent la vieillesse (gris, solitaire, hésitant, ancien etc.). Aux autres, on donne des mots au hasard, sans lien entre eux. Quand ils ont fini, les premiers arpentent un couloir beaucoup plus lentement que les autres, comme s’ils avaient pris de l’âge. Imprégné de stéréotypes évoquant la vieillesse, leur cerveau a été « amorcé » (primed) sans qu’ils s’en rendent compte. Quantité d’expériences de ce type ont été réalisées, qui aboutissent à la même conclusion, popularisée par des auteurs à succès comme Malcolm Gladwell (Le Point de bascule) et même le grand spécialiste des biais cognitifs, Daniel Kahneman (Système 1, système 2). Problème : ces expériences se sont révélées fausses, voire truquées. Celle de John Bargh n’a pu être reproduite. Ruth Leys expose en détail comment ce champ de recherches s’est trouvé invalidé. Comme beaucoup de travaux de psychologie expérimentale, ils ont sombré dans ce qu’il est convenu d’appeler « la crise de la réplication ».