Publié dans le magazine Books n° 86, novembre / décembre 2017. Par Patrick Radden Keefe.
De la Sierra Leone à l’Afghanistan, de la Colombie au Sri Lanka, les enfants sont amplement utilisés dans les conflits armés. Ces mineurs combattants sont désormais considérés comme des victimes. Pourquoi les adolescents américains recrutés par les cartels de la drogue mexicains n’ont-ils pas droit au même traitement ?
Quand Gabriel Cardona a été condamné, en 2009, les photographes de presse l’ont immortalisé à travers une vitre de protection, comme s’il s’agissait d’une bête exotique. Quelque chose dans son parcours, c’est vrai, dépassait l’entendement. Une contradiction trop terrible pour être assimilée : un assassin enfant. Pourtant il se tenait là, assis, dans sa tenue de prisonnier d’un blanc immaculé, faisant l’inventaire macabre de ses actes sur un ton détaché. Lors de son arrestation, Cardona avait 19 ans, et son visage aux traits délicats conservait un air de petit garçon qui ne collait pas avec le reste. Lorsqu’il parlait, toutefois, il clignait des yeux en rafales nerveuses : ses interlocuteurs se retrouvaient alors à fixer une seconde paire d’yeux tatoués sur ses paupières à l’encre noir bleuté.
Ces dix dernières années, alors que le bilan de la guerre de la drogue au Mexique ne cessait de s’alourdir, les Américains ont eu trop souvent tendance à considérer les atrocités qui se déroulaient de l’autre côté de la frontière comme un problème étranger, aussi éloigné d’eux que les conflits...