Et Weimar accoucha d’Hitler
Publié en novembre 2024. Par Books.
Il n’y a pas qu’en France qu’on est obsédé par un éventuel retour des années 1930. En Allemagne aussi, où l’extrême droite accumule les succès électoraux. Le récent ouvrage du journaliste Jens Bisky, Die Entscheidung (« La décision »), en témoigne : il traite des dernières années de la République de Weimar « et de la question de savoir pourquoi ce furent les dernières », note l’historienne Ute Daniel dans le Süddeutsche Zeitung (où Bisky a travaillé un temps). L’ouvrage débute en 1929, année de la mort de Gustav Stresemann et du krach boursier de New York. Il s’achève en 1934, quand la disparition du président Hindenburg et l’élimination des SA de Röhm, lors de la Nuit des longs couteaux, achèvent de faire place nette pour Hitler.
Le problème sous-jacent est bien entendu celui du caractère inéluctable ou non de l’issue finale. Bisky consacre 21 chapitres aux « moments clés » de ces cinq années ayant accouché du régime le plus criminel de l’Histoire. Il ausculte les « décisions, petites et grandes », qui « ont mené au Troisième Reich ». S’en dégage, à en croire Ute Daniel, « une impression de fatalité qu’il n’est pourtant pas dans l’intention de l’auteur de créer ». Heureusement, d’après l’historienne, une autre dynamique vient en partie contrebalancer cette impression : celle qui naît du « tumulte des personnalités, des partis et des institutions aux illusions, aux aspirations et aux intérêts les plus variés », mais qui, pour la plupart, souhaitaient autre chose qu’Hitler. On retrouve dès lors une idée qui est celle que « l’historien britannique Ian Kershaw a mise en mots il y a plus de 30 ans » : « ce ne sont pas les nazis qui ont détruit la République de Weimar ; mais ce sont eux qui ont profité de la destruction de la République ».