Publié dans le magazine Books n° 100, septembre 2019. Par Sebastian Dieguez.
Nous activons notre vigilance critique quand cela nous arrange, pour défendre des idées qui sont déjà les nôtres. Et si nous cultivions plutôt l’humilité et la patience et apprenions à accepter l’incertitude ?
Qui songerait à s’opposer à l’esprit critique ? N’en a-t-on pas plus que jamais besoin à l’heure où prolifèrent les théories du complot et les
fake news, où les idées extrêmes s’imposent à la tête de plus en plus de gouvernements, où l’expertise et la science font face à une défiance grandissante et où même la croyance en la
Terre plate fait son retour ? D’ailleurs, lesquels parmi nous seraient prêts à reconnaître qu’ils
manquent d’esprit critique ?
La Rochefoucauld s’en était déjà amusé : « Tout le monde se plaint de sa mémoire et personne ne se plaint de son jugement. » De fait, quand nous réclamons davantage d’esprit critique, ce n’est certainement pas à nous-mêmes que s’adresse cette requête, mais plutôt à des catégories bien spécifiques d’individus. Les jeunes et les enfants, par exemple. Ne sont-ils pas vulnérables, naïfs et prompts à se faire manipuler ? Ne doit-on pas les prémunir contre les dangers d’un monde complexe et impitoyable ? Certes, mais beaucoup d’...