Publié dans le magazine Books n° 104, février 2020. Par Ed Simon.
Entre la terrifiante description de l’enfer par un prêtre catholique dans un roman de James Joyce et l’enfer sur Terre que nous promet le changement climatique, il y a une continuité qui vaut d’être affirmée. La rhétorique d’un épouvantable au-delà est légitime, voire nécessaire.
Dans son roman à clé
Portrait de l’artiste en jeune homme, publié en 1916, James Joyce fait savourer à son lecteur les tourments éternels de l’enfer. L’adolescent Stephen Dedalus, alter ego de l’auteur, subit le sermon enflammé du père jésuite Arnall : « L’enfer est une prison étroite, sombre et fétide, un séjour de démons et d’âmes perdues, plein de flammes et de fumée. »
1 Jusque-là, cela va encore, la description entre en résonance avec la conception populaire de la perdition
2. Mais le père Arnall y ajoute une précision de son cru, des plus dérangeantes : dans l’enfer, observe-t-il, les damnés sont si entassés les uns sur les autres qu’ils n’ont absolument aucune liberté de mouvement. « Ils n’ont même pas la possibilité d’écarter de leur œil un ver qui les ronge », dit-il
3.
Devant l’assemblée des fidèles, le jésuite persévère, se lançant dans des descriptions de plus en plus baroques de cet au-delà infernal, qui « brûle éternellement dans l’obscurité », qui...