Publié dans le magazine Books n° 99, juillet/août 2019. Par Jean-Louis de Montesquiou.
Rejetant la société consumériste du XIXe siècle, l’écrivain américain Henry David Thoreau est parti vivre en pleine forêt. Un milieu où l’homme devait, selon lui, apprendre à se suffire à lui-même.
Quand un Américain parle de nature, en général il ne tarde pas à dégainer Thoreau. L’essayiste du XIX
e siècle est en effet incontournable sur ce sujet, qu’il a quasiment mis à la mode outre-Atlantique. Jusqu’à lui, la nature y était globalement perçue comme redoutable, quelque chose à mater au plus vite en se débarrassant des pumas, loups, Indiens, serpents à sonnette et autres nuisibles. Avec Henry David Thoreau, elle devient une entité presque mystique, le réceptacle de la beauté, voire du sublime, et surtout un environnement qui suffit à l’homme et où celui-ci devrait apprendre – comme Thoreau l’a fait lui-même – à se suffire.
À 27 ans, en 1845, notre protoécologiste a effet joint le geste à la parole et est allé se terrer pendant deux ans dans une cabane construite de ses mains, sur un terrain appartenant à son mentor, employeur et bienfaiteur, le poète Ralph Waldo Emerson. La cabane, aujourd’hui reconstituée sur un parking, dominait le petit étang de Walden, à proximité de Concord, dans le Massachusetts. Thoreau y employait ses journées à herboriser, chasser (pour se nourrir) et se plonger dans la contemplation des alentours. Le soir, il consignait par é...